La petite ville de Vallon, aujourd’hui Vallon-Pont-d’Arc, est située dans la pointe sud du département de l’Ardèche et distant d’une trentaine de kilomètres de la rive droite de la vallée du Rhône et de la RN 86.
Entre mars et août 1944, le secteur de Vallon fut le lieu de plusieurs exécutions et massacres qui firent au total plusieurs dizaines de morts.

Le village de Vallon, aujourd’hui Vallon-Pont-d’Arc, situé dans la pointe sud du département de l’Ardèche, à proximité de quatre autres départements : le Gard, la Drôme, le Vaucluse et la Lozère, distant d’une trentaine de kilomètres de la rive droite de la vallée du Rhône et de la RN 86, comptait 1875 habitants au recensement de 1936.
Cette configuration géographique explique les choix faits par les États-majors allemands au moment de la retraite allemande de l’été 1944 : pour une part importante des troupes qui cantonnaient à l’ouest du Rhône, Vallon devint un point de convergence et une plaque tournante pour rejoindre plus au nord l’axe rhodanien.
La présence allemande dans le canton de Vallon s’était manifestée à partir de 1943 avec la construction d’une station radar sur le territoire de la commune de Lagorce (Ardèche) mais le chantier, malgré son avancement, fut abandonné au début de 1944 et transféré sur un nouveau site, toujours à proximité de Vallon, sur la commune de Saint-Remèze (au lieu dit plaine d’Aurèle).
En mars 1944, la population de Vallon fut marquée par le massacre du hameau des Crottes (commune de Labastide-de-Virac) qui fit 15 victimes (hommes, femmes, enfants). Le Mas de Serret, voisin du hameau, lieu à l’origine du drame, où les maquisards du maquis Bir-hakeim, s’étaient affrontés avec les allemands, appartenait à un propriétaire vallonnais, M. Claron.
Les 21, 23, 25-27 mai, Vallon fut l’objet d’incursions allemandes et miliciennes. Les francs-gardes encasernés à Alès et Nîmes (Gard) et un détachement de la compagnie Brandebourg installé à Viviers (Ardèche) et Pont- Saint-Esprit (Gard) étaient à l’œuvre.
Le 23 mai, 4 civils furent arrêtés : le maire par délégation, Emile Ozil, Raoul Farina (jeune résistant d’une famille de gens du voyage assignés à résidence à Vallon), Georges Charrière, Georges Peschier. Malmenés, conduits à la citadelle de Pont-Saint-Esprit, ils furent relâchés (ou s’évadèrent ?) et purent rejoindre le village.
A la veille du 6 juin 1944, le seul maquis vraiment organisé dans le canton de Vallon était le maquis FTP d’Orgnac dit aussi Maquis de la Citerne, commandé par Louis Ferri, un ancien des Brigades internationales. Il bénéficiait de l’appui du réseau clandestin de l’Armée Secrète tissé autour de Vallon par Pierre Ollier de Marichard et Marc Peschier.
Après le 6 juin (débarquement de Normandie), dans le cadre de l’insurrection nationale, la jeunesse du village fut mobilisée, deux camps furent organisés : camp du Bois sauvage (commune de Lagorce), et camp de la grotte dite du maquis dans le cirque d’Estre, à l’entrée des gorges de L’Ardèche (commune de Vallon). Deux compagnies furent créees : l’une affiliée à l’Armée Secrète et à son secteur D (compagnie Ollier de Marichard dit Marco), l’autre aux FTP (compagnie Jean Ranc dit Yvan). Les jeunes maquisards de ces formations se mélangèrent rapidement sous le sigle FFI sans tenir compte de leurs affiliations. La vie au maquis n’était pas sans risques. Sommairement équipés et entraînés, les jeunes maquisards enregistrèrent Le 23 juin 1944 un accident qui coûta la vie à l’un des leurs : le jeune Jack (Jackie) MARTIN fut mortellement blessé par l’un de ses camarades dont l’arme s’était enrayée. Il fut déclaré mort en service commandé, tué par des miliciens ayant établi un barrage sur la route de Ruoms à la sortie de Vallon.
Les FTP du Maquis de la Citerne ou Maquis d’Orgnac, plus aguerris, prêtèrent main-forte aux maquisards vallonnais. Au cours d’une opération combinée, ils exécutèrent trois membres d’une famille sur laquelle pesaient de lourds soupçons de délation et d’adhésion à la Milice. Deux autres exécutions extrajudiciaires furent opérées dans le village. D’autres collaborateurs ou proches de Vichy, prirent alors la fuite.
Le 26 juin 1944, les miliciens de Nîmes revinrent à Vallon en force, sans rencontrer de résistance. Ils occupèrent la mairie et procédèrent à de nombreuses visites domiciliaires. Henri Massot, conseiller municipal élu en 1935 sur la liste socialiste, fut victime d’une méprise : confondant les miliciens avec les maquisards, il se rendit à la mairie avec son fusil de chasse et des munitions. Réalisant son erreur, il prit la fuite et fut abattu, place de la Bascule, derrière le château-mairie. Ce même jour, les miliciens opérèrent deux arrestations : madame Inès Guigon (dont le fils Marc Guigon, 17 ans, avait rejoint le maquis) et un jeune résistant, Robert Sabatier. Emprisonnés à Nîmes, ils purent s’évader à la fin août.
Au lendemain de l’incursion milicienne, Le CLL (Comité local de libération) de Vallon (Anna Alzas, Marc Peschier, Marcel Rochette…) décida l’occupation du village par les maquisards : la gendarmerie locale apporta son concours à cette première libération.
Les FFI installèrent leur PC à l’Hôtel Berneron et envisagèrent bientôt une nouvelle action : la destruction du radar et une attaque des forces allemandes stationnées à Saint-Remèze. L’opération tourna court à la suite de la mort du jeune Raymond Debos. Envoyé en reconnaissance le 6 juillet 1944, il fut abattu aux Patroux, à proximité de Saint-Remèze. Blessé à mort, il parvint à regagner son véhicule et à le conduire jusqu’à la ferme de Mayres avant de mourir.
Le 14 juillet 1944, la résistance procéda à une prise d’armes place du château-mairie à Vallon (à l’image de nombreuses autres localités en Ardèche) et dans la nuit qui suivit, lança une nouvelle opération en direction de Saint-Remèze : elle aboutit à l’enlèvement du commandant allemand Loew qui résidait dans le village. Celui-ci dirigeait les travaux et la mise en route de la station radar. Transféré à Antraigues, aujourd’hui Vallées-d’Antraigues-Asperjoc (Ardèche), il fut exécuté un mois plus tard.
Le 29 juillet : le maquis AS d’Ollier de Marichard et les FTP du maquis de la Citerne participèrent à l’embuscade de Banne (Ardèche) qui repoussa une colonne allemande venue de Nîmes. La compagnie d’Ollier n’eut pas de pertes et s’éloigna ensuite jusqu’en Haute-Loire où elle participa à la bataille et à la reddition allemande d’Estivareilles (21 août). De leur côté, à la mi-août, des éléments de la compagnie FTP de Jean Ranc furent appelés en renfort pour protéger les abords de la ville préfecture, Privas, libérée depuis le 12 août.
Le 15 août, la population de Vallon put entendre les bombardements alliés qui visaient des ponts en vallée du Rhône (sur Bourg-Saint-Andéol, à plus de trente kilomètres), le débarquement de Provence venait de commencer.
Les 15 et 16 août, le capitaine Fauveau (resté fidèle au secteur D de l’AS) entreprit une nouvelle attaque du radar de la plaine d’Aurèle à Saint-Remèze qui échoua. Aucune perte ne fut à déplorer.
Le 18 août : l’ordre de retraite donné par Hitler pour les troupes d’occupation de la zone sud devint effectif.
Les 17 et 18 août 1944, Vallon fut mitraillé et bombardé par l’aviation allemande. Le 18, une des bombes explosa devant une boulangerie où les villageois faisaient la queue. Elle fit sept blessés et cinq morts : Suzette Champetier, épouse Testud, Yvonne Durand, Marcel Martin, Camille Nury et Henri Peschier.
Le 19 août, un nouveau mitraillage aérien allemand sur Vallon fut sans conséquence, interrompu par une intervention de la chasse alliée.
Une forte colonne allemande qui battait en retraite fut signalée à Barjac le 20 août. La Résistance fit évacuer le village (fuite de la population dans les bois, les écarts et les grottes environnantes).
Le même jour, une colonne de 4000 hommes avec plusieurs véhicules blindés en provenance de Mende (Lozère) et Villefort (Lozère) arriva aux Vans (Ardèche), à trente km de Vallon, par la route des Cévennes depuis Villefort. La colonne, très éprouvée par les mitraillages de l’aviation alliée, avec de nombreux blessés, poursuivit sa route vers Vallon.
Le 21 août 1944, environ 3000 allemands et supplétifs arrivèrent par la route de Barjac, occupèrent Vallon et ses environs. La colonne des Vans, de son côté, dressa un barrage au lieu-dit Sous-Roche, sur la route Ruoms-Vallon (à la limite des communes de Vallon, Ruoms et Sampzon), et procèda à des prises d’otages. Trois FFI furent faits prisonniers et exécutés. Marius Roux, Marcel Meyer, Jean Bigi. Un quatrième FFI fut tué le lendemain au cours d’une tentative d’embuscade au même endroit : Marcel Deschaux.
Du 21 août au 29 août, Vallon et ses environs furent mis à sac. Pillages, viols, exécutions sommaires de civils. Les troupes allemandes –plus de 10 000 hommes au total- arrivèrent par vagues successives.
Le 24 août 1944, deux villageois, Marius Charmasson et Germain Hermitant furent massacrés non loin de leur domicile, place du Lavoir du quartier de Bourdaric-Mas des Aires.
Le 25 août 1944, à quelques km du chef-lieu, Raymond Pibereau fut massacré à Vagnas (Ardèche).
Le 26 août 1944, à Vallon, deux ouvriers électriciens de La Grand-Combienne, Alfred Chaptal et Benjamin Gourmet, pris en otages, furent mitraillés dans le dos, non loin de la place de la Gare, quartier du Grand Jardin .
Les officiers allemands, parmi lesquels se distingua pour son extrémisme hitlérien le colonel de Bassompierre (descendant de réfugiés huguenots en Prusse au XVIIe siècle), avaient la main sur des troupes hétéroclites qui comprenaient beaucoup d’auxiliaires « russes » (tatars, arméniens, géorgiens, turkmènes, azéris), engagés plus ou moins sous contrainte. Ils tracèrent deux itinéraires de retraite vers la vallée du Rhône : l’un coupait au plus court par la route Saint-Remèze-Bourg-Saint-Andéol, l’autre suivait un itinéraire qui remontait vers le nord (et menaçait Aubenas et Privas) par la route Lagorce-Vogüé-Saint-Germain-Lavilledieu.
Le 24 août : les maquisards d’Ollier de Marichard , rappelés en urgence pour protéger le village, se postèrent sur un serre qui dominait les trois villages de Vallon, Lagorce, et Ruoms : le mont Sigaud. Un commando américain (l’OG Louise), parachuté en Ardèche, équipé de canons de 37, leur prêta main-forte. Ils attaquèrent un détachement stationné dans le hameau de Tabias, commune de Lagorce, et également selon d’autres sources le parc des véhicules en tous genres réquisitionnés et regroupés au Grand-Jardin de Vallon.
Les allemands manœuvrèrent (avec des otages qu’ils firent marcher devant leurs soldats) pour encercler le Maquis qui rompit le combat.
Au cours de l’affrontement, le 25 août, une ferme du quartier Peyrousse à Lagorce fut incendiée par les occupants et son propriétaire, Auguste Barrière, trouva la mort, brûlé vif. Un agriculteur fut mitraillé dans une vigne, quartier de Sigaud : Jean Lichière. Son corps fut retrouvé le 27 août.
Ce même jour, 27 août, les allemands firent sauter le pont de Salavas sur l’Ardèche pour retarder l’arrivée de l’Armée d’Afrique qui les talonnait.
Le 28 août, Paul Lavie, 17 ans, fut massacré à Vagnas par une colonne de retardataires allemands, contrainte de traverser à gué la rivière.
Ce convoi abandonna ses blessés dans les locaux du cours complémentaire de Vallon où ils furent découverts dans un état lamentable ( excréments, gangrène).
Le président du CLL, maire de Vallon par délégation préfectorale, relate dans son rapport du 10 octobre l’exécution par les Allemands d’un ressortissant italien inconnu.
Cette dernière colonne allemande dite colonne Steuber (du nom du colonel qui avait regroupé cette arrière-garde) suivit le 29 août l’itinéraire Lagorce-Vogüé-Gare, Saint-Germain-Lavilledieu, commit de nouveaux crimes de guerre. Prise au piège entre les villages de Lanas et Darbres (la résistance fit sauter les ponts), harcelée, elle s’efforça de traverser le Massif du Coiron avant de capituler le 31 août à Chomérac. (voir Lavilledieu et la bataille du Coiron).
Le 30 août 1944, les premiers éléments de l’Armée d’Afrique parvinrent à Vallon, définitivement libérée.


Victimes :
 
Clément, Auguste BARRIÈRE
Jean BIGI
Suzette CHAMPETIER, épouse TESTUD
Alfred CHAPTAL
Marius CHARMASSON
Marcel DESCHAUX
Yvonne DURAND
Benjamin GOURMET
Germain HERMITANT
Paul LAVIE
Jean LICHIÈRE
Jack MARTIN
Marcel MARTIN
Henri MASSOT
Marcel MEYER
Camille NURY
Henri PESCHIER
Raymond PIBEREAU
INCONNU, Italien
Marius ROUX
Sources

SOURCES : Mémorial de l’oppression, Arch. Dép.du Rhône 3808 W, copie numérisée aux Arch. Dép. de l’Ardèche. ( Les principaux évènements intervenus à Vallon depuis le mois de mai jusqu’à la fin août ont été consignés par le CLL (transformé en commission municipale) dans un compte-rendu daté du 10 octobre 1944 adressé au Mémorial de l’Oppression). — Bruno Chaix , L’occupation allemande en Ardèche, édit. MATP, 2017. — Pierre Bonnaud, L’Ardèche dans la Guerre, De Borée , 2017. — Art. Raoul Galataud, Bulletin municipal de Vallon, juin 1994.

Pierre Bonnaud

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